Les paris esportifs : enjeu économique clé nécessitant une régulation forte
De manière de plus en plus récurrente, la question des paris s’immisce dans le monde de l’esport. Récemment d’ailleurs, le journal L’Equipe dédiait un article à l’essor des paris en ligne sur les compétitions esportives, notamment dû à l’absence de paris sportifs durant la crise sanitaire. Ainsi, nombreux sont les opérateurs de paris à demander la légalisation de ces derniers pour l’esport, ces derniers étant toujours inclus dans les interdictions relatives aux jeux d’argent et de hasard, régime bien connu du monde de l’esport puisque les compétitions physiques de jeux vidéo étaient soumises à ce régime jusqu’à la loi pour une République Numérique du 7 octobre 2016.
Cependant, là où les pouvoirs publics avant 2016 faisaient preuve de tolérance concernant l’organisation de compétitions, ces derniers font preuve d’extrême sévérité en ce qui concerne les paris, les enjeux étant sans doute plus importants, notamment quant aux possibles dérives. Toutefois, outre les opérateurs de paris, de nombreux acteurs du secteur souhaitent voir ces paris légalisés, pour deux raisons : la première, c’est que ces derniers seraient une source de revenus non-négligeable à l’écosystème français, la deuxième, c’est que cela permettrait à la France d’être concurrentielle car en effet, de nombreux pays européens et étrangers expérimentent déjà ces paris esportifs. L’interdiction des paris esportifs en France engendre donc une fuite des revenus car il ne suffit que d’un simple VPN pour passer outre cette législation et aller parier en Belgique par exemple, les sites de paris dédiés à l’esport étant inaccessibles depuis la France (c’est le cas, par exemple de Betway). Beaucoup toutefois restent réticents à cette légalisation des paris, l’écosystème esportif étant déjà gangrené par de nombreuses problématiques de match fixing dans le monde entier, comme notre article du mois de mars 2021 le soulignait. L’ouverture légale des paris esportifs en France pourrait engendrer une multiplication de ces problématiques et serait une source d’insécurité juridique en ce qui concerne, par exemple, la question des mineurs et leur sensibilisation aux dangers des jeux en ligne.
Si l’on fait cependant un parallèle avec le sport, des moyens d’encadrer certains sites pourraient être mis en place. En effet l’offre de paris en France est soumise à de nombreuses restrictions. Dans un premier temps, toutes les compétitions sportives ne peuvent pas donner lieu à des paris. Cette liste est définie par l’ARJEL (l’autorité de régulation des jeux d’argent en ligne) devenue l’ANJ (Autorité Nationale des Jeux) selon certains critères : qualité de l’organisateur, réglementation applicable aux compétitions, publicité des résultats, âge des participants (exclusion des mineurs) et notoriété et enjeu de la compétition. L’ANJ doit donc délivrer un agrément pour devenir opérateur de paris. Cet agrément est délivré pour une durée de 5 ans, précisant toutefois que les seuls paris sportifs à côte fixe (gain fixe, avec des côtes données par l’opérateur) ou sous la forme mutuelle (redistribution équitable entre les gagnants). L’opérateur est ensuite soumis à un certain nombre de conditions à respecter et notamment concernant l’intégrité et la fiabilité du jeu et la lutte contre la fraude).
A noter que les jeux et paris en ligne agréés représentaient en 2019 un produit brut d’1,4 milliard d’euros : une source de revenus non-négligeable pour les opérateurs et les bénéficiaires de ces paris. Toutefois, les autorités publiques ne cessent de prévenir des dangers afférents aux paris sportifs, notamment concernant l’altération des compétitions sportives. La fraude influençant le déroulement de la compétition sportive est ainsi punie, selon l’article 445-2-1 du code pénal de 5 ans de prison et de 500 000 euros d’amende. Les autorités publiques se veulent également très strictes concernant la politique afférente aux mineurs.
Alors pourquoi ne pas légaliser le pari esportif en France ? En effet selon certains professionnels du secteur, les paris esportifs représenteraient en 2021 30 milliards de dollars dans le monde entier, un chiffre très prometteur pour l’écosystème. L’accessibilité de l’esport crée en effet de nombreuses opportunités pour les fans, équipes et opérateurs, d’autant plus que les audiences de l’esport augmentent petit à petit. De nombreuses entreprises de paris en ligne effectuent alors des levées de fonds importantes afin de s’implanter dans le secteur, c’est par exemple le cas de Rivalry qui a levé en 2021 20 millions de dollars.
Cependant, certains biais qui devraient être évités sont complexifiés par le caractère numérique de l’esport. C’est le cas par exemple du skin betting qui consiste en l’utilisation de biens virtuels comme monnaie virtuelle pour parier sur l’issue des matchs professionnels, beaucoup plus complexe à encadrer d’autant plus que certaines offres de paris font intervenir également des cryptomonnaies, transposables ainsi en monnaies réelles.
Paris esportifs : Enjeu économique clé nécessitant une régulation forte
Les frontières entre les paris esportifs et les autres formes de jeux s’estompent petit à petit. Preuve en est, à Las Vegas dans le Nevada, des arènes d’esport se créent et des jeux de casino font leur entrée sur les sites de paris esportifs. Dès 2017 en effet, Allied et Esports Arena ont voulu ouvrir des arènes dédiées à l’esport, sous le nom de HyperX Esports Arena, au Luxor Hotel & Casino, dans le but de créer une expérience esport pour les fans tout en accueillant des tournois en ligne. En 2018, Complexity Gaming est devenue la première structure à annoncer un casino en tant que sponsor officiel et en 2020, la société GameCo a commencé une collaboration avec la société de données et d’analyse GRID pour ses machines de jeux vidéo et ses casinos.
De plus en plus donc, les casinos et les bookmakers se tournent vers l’esport comme source permanente de revenus, notamment pour atteindre un public plus jeune. Cependant, ces frontières ténues entre esport et jeux d’argent aux Etats-Unis ne renvoient pas une image rassurante auprès des entités européennes et notamment françaises concernant la légalisation des paris esportifs.
Rappelons qu’en France, le pari esportif est toujours interdit car rattaché aux jeux d’argent et de hasard, prohibés sauf exception. Pour pouvoir parier en France, il faut en effet que les sociétés de paris demandent un agrément spécifique, ce qui peut apparaître contraignant, encore plus lorsqu’il s’agit de paris en ligne. Aux Etats-Unis cependant, la légalisation des paris sportifs et esportifs n’est pas très ancienne. En effet, ce n’est qu’en 2018 que l’interdiction des paris sportifs a été levée aux Etats-Unis entraînant avec elle la levée de l’interdiction sur les paris esportifs sauf les paris en ligne !
Voyant que petit à petit les lignes bougent et que plusieurs Etats dans le monde légalisent cette pratique, de nombreuses sociétés développent des solutions de paris, à l’instar de Sony qui, après le rachat de l’EVO, souhaite se lancer dans les paris esportifs notamment en déposant un brevet pour sa console PS5.
La légalisation des paris esportifs permettrait en effet d’agréger des revenus non-négligeables pour le secteur, aidant directement au développement économique de l’esport. Le pari esportif n’a pas plus de biais que le pari sportif, il est donc tant que cela évolue, notamment car de nombreux sites de paris existent déjà et qu’il est très facile de détourner la loi française pour parier sur des matchs d’esport.