Affaires de Propriété Intellectuelle : quand les titulaires de droits se rebellent !

Conserver ses droits de propriété intellectuelle, c’est indispensable. Pour les finances, pour l’exploitation des produits et services, pour la réputation, bref, les droits de propriété intellectuelle sont essentiels à la vie des affaires.

Aussi bien du côté du copyright que du côté du droit français, les droits de propriété intellectuelle sont fortement encadrés, protégeant ainsi les titulaires. En propriété littéraire et artistique cependant, il est important de noter que la logique diffère un peu en copyright, les juges anglo-saxons privilégiant l’économie à la protection de l’auteur grâce à la notion de « fair use » (comprenons en français « utilisation loyale ») via notamment une acceptation plus large des exceptions, a contrario du droit d’auteur français qui opte pour des droits larges et une liste restreinte des exceptions au respect de ces droits. Mais la contrefaçon est condamnée de la même manière en droit anglo-saxon qu’en droit français. Revenons un peu plus dans le détail sur ces deux affaires.

Ubisoft accuse donc Apple et Google d’avoir autorisé la vente d’un jeu plagiant leur célèbre licence esport : Rainbow Six Siege et s’oppose donc à l’exploitation illégitime (et donc à la commercialisation) de ce jeu. Et force est de constater que cette copie est plutôt flagrante lorsqu’on regarde les deux gameplays côte à côte. Avant de rentrer dans le vif du sujet, rappelons que ce litige, même si l’éditeur est français, est porté devant les tribunaux américains puisqu’en l’espèce, Ubisoft n’attaque pas le développeur (chinois) mais les plateformes d’applications des deux GAFAM que sont Google et Apple, américaines. C’est donc le régime anglo-saxon du US Code qui s’applique.

Et que dit-il ? Le paragraphe 106 du US Code énumère les droits exclusifs conférés à l’auteur qui a, entre autres, seul le droit de reproduire son œuvre (reproduction right), d’en distribuer des copies (distribution right) ou de représenter son œuvre au public (display right). Donc, Ejoy, en copiant certains éléments flagrants du jeu d’Ubisoft ne respecte pas ce « reproduction right », mais également, Google et Apple, en acceptant de le diffuser, ne respectent pas non plus le « distribution right », deux droits fondamentaux en matière de copyright ! Au final, cette affaire aura vite été oubliée : l’éditeur du jeu Area F2 (Ejoy donc), a retiré de toutes les plateformes la licence litigieuse avant même que les tribunaux se saisissent de l’affaire. Et fort heureusement car il paraissait évident que les plateformes et l’éditeur chinois allaient être condamnés pour violation des droits d’auteur d’Ubisoft.  

Pour Manchester United, l’affaire porte sur l’utilisation, par le jeu Football Manager, d’un écusson simplifié et du nom du club (sans modification) à titre gracieux et sans que Manchester United ait donné son autorisation. En droit des marques, il s’agit donc d’une exploitation illicite du signe distinctif et du nom, tous deux déposés à titre de marque.

Il s’agit là encore d’une compétence attribuée aux tribunaux anglo-saxon.

Alors quel est le régime du droit des marques en Grande-Bretagne ? C’est sensiblement le même qu’en France, en réalité. Ainsi, selon l’article 9 du Trade Marks Act de 1994, le propriétaire de la marque dispose de droits exclusifs sur la marque qu’il a déposée. Toute utilisation de cette marque dans la vie des affaires sans le consentement de son propriétaire est une violation des droits exclusifs de ce dernier. Cette violation est aggravée lorsque, selon l’article 10, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public, comprenant un risque d’association avec la marque.  Ainsi, le droit exige que la personne (physique ou morale) souhaitant utiliser une marque protégée demande une licence d’utilisation à son propriétaire. Cependant, depuis 1992, le club de football a toujours été présent dans le jeu, sans pour autant poser problème. Dans tous les cas, le club est en droit de demander une indemnisation ou le retrait de ses marques pour utilisation illicite de ces dernières en l’absence de tout accord expresse, même si l’acceptation tacite de ce dernier durant toutes ces années ne jouera pas en sa faveur, le système anglo-saxon reposant sur le système du « fair use » énoncé plus haut.

Pour conclure, les droits de propriété intellectuelle, de part leur importance au sein d’une société et encore plus dans un univers tel que le jeu vidéo et l’esport, font l’objet de nombreux litiges et de manière générale de nombreuses interrogations. L’exemple flagrant est l’actualité récente sur Twitch concernant les violations des droits protégés par le Digital Millenium Copyright Act de 1998 et qui a fait l’effet d’une bombe dans les communautés de streamers. 2 choses à retenir donc : il est très important de bien gérer ses contrats en amont de chaque deal économique et, même si des actes sont tolérés (comme c’était le cas sur Twitch depuis l’essor de la plateforme), de rester vigilant quant à l’utilisation d’œuvres protégées, en France mais aussi à l’international !