L’encadrement des esportifs professionnels : hors Europe, on avance sur la transparence et le salary cap !
L’esport se construit pas à pas. Et vous l’aurez compris, le cadre juridique n’est pas le même d’un Etat à un autre. Tout dépend de la volonté d’encadrement des différents gouvernements.
Un exemple illustre bien cela : la transparence vis-à-vis des contrats des joueurs. Alors que la France tente d’instaurer difficilement un CDD spécifique sur lequel nous reviendrons, d’autres Etats sont précurseurs dans le domaine afin de mieux comprendre les obligations des joueurs et d’éviter ainsi les dérives. C’est le cas de deux exemples dans l’actualité : Cloud9 (équipe professionnelle américaine) et la LPL (ligue chinoise de League of Legends).
Revenons sur la première information : Cloud9 a décidé de divulguer certaines clauses majeures des contrats de deux de leurs joueurs sur la licence CS:GO : durée du contrat, salaire, frais de transferts… A titre d’exemple donc, Mezzii a signé un contrat de 3 ans pour un salaire de 426 000 dollars et des frais de transferts de 83 000 dollars. Cloud9 est la première team à faire preuve de transparence concernant les acquisitions de ses joueurs, mais cela ne plaît pas à tout le monde. C’est notamment le cas du CEO de la team Chicago Huntsman sur Call Of Duty qui a déclaré qu'il ne divulguerait aucune information concernant les clauses de ses joueurs. De plus en plus d’équipes tentent de sécuriser au maximum leurs joueurs, compte tenu de l’engouement de l’esport et de la concurrence rude. Pour cela, les contrats sont de mieux en mieux ficelés, ce qui n’est pas le cas en France où les contrats de joueurs demeurent encore précaires.
Mais ce n’est pas la seule initiative juridique dans l’actualité. En effet, la LPL réfléchit actuellement à instaurer, comme dans certains sports professionnels, un salaire maximal, afin de garantir l’équité des joueurs d’une même ligue. En introduisant une équité financière, l’intégrité des compétitions en seraient, selon le PDG de Tencent, plus garantie. Car en effet, selon les rumeurs, les clubs qui dépasseront ce salaire maximal pourraient se voir infliger une taxe (« luxury tax ») assortie de pénalités concernant le futur recrutement de joueurs. Le salaire des joueurs ne serait donc plus défini par la popularité de ces derniers mais bien par leurs performances. Dans l’idéal, l’argent qui ne serait pas reversé pour les salaires devrait permettre aux clubs d’investir dans la formation de jeunes joueurs : une idée intéressante si l’on souhaite que l’esport se professionnalise. A l’avenir, si d’autres ligues copient ce système de salary-cap, cela pourrait même permettre à l’esport mondial de se structurer et éviter le cercle vicieux des joueurs demandant des salaires trop élevés obligeant les clubs à les faire jouer beaucoup pour rentabiliser les investissements. Instaurer un salary-cap mondial permettrait alors de rééquilibrer les coûts et éviter les quelques dérives que nous pouvons connaître dans le football par exemple où aucun salaire maximal n’est fixé.
D’autant plus que des initiatives toujours plus improbables sont en train de naître : au Japon par exemple, des joueurs professionnels vont percevoir leur salaire en Ripple, une monnaie virtuelle. Or, la monnaie virtuelle a cette caractéristique d’être particulièrement volatile (1 Ripple peut valoir 10 000 dollars puis 10 dollars en quelques secondes), ce qui n’est pas de très bon augure pour la sécurité financière des joueurs.
En France, rappelons que l’Article 102 de la loi pour une République Numérique de 2016 encadre les joueurs professionnels salariés, notamment en leur donnant une définition bien précise et en les soumettant au régime du CDD spécifique applicable en matière sportive. Certes, ce dernier (couplé au décret n°2017-872 ajoutant quelques précisions) régit entre autres les conditions de rupture du contrat et les conditions de la requalification en CDI, mais en pratique, les conditions de conclusion de ces contrats ou les salaires et frais de transferts des joueurs restent bien secrets. Il serait donc temps d’agir afin de ne pas louper le tournant de la structuration de l’esport.