Le mode FUT de FIFA 20 : un jeu de hasard ? Alea (presque) jacta est

Alors que la sortie de FIFA 21 est d'actualité, nous avons jugé légitime de nous interroger sur ce jeu qui a fait et fait encore beaucoup parler de lui dans le monde de l’esport et plus généralement dans le monde du jeu vidéo. Pourquoi ?

Parce que deux avocats français ont intenté au début de l’année 2020 une action en justice au sujet du mode FUT de la célèbre licence de l’éditeur Electronic Arts : FIFA. Selon eux, ce mode de jeu s’assimilerait ni plus ni moins à un jeu de hasard. Bis repetita, cette histoire n’est pas sans nous rappeler une affaire qui avait déjà fait parler d’elle à l’époque : l’affaire Star Wars Battlefront II [1].

Petite piqûre de rappel : qu’est-ce que le mode FUT (FIFA Ultimate Team) ? Selon la publicité qu’en fait Electronic Arts sur son site internet, il s’agit du mode de jeu « le plus populaire de FIFA » [2], qui permet aux fans du jeu de créer leur équipe idéale pour affronter d’autres joueurs en ligne la majeure partie du temps. Ce mode, apparu dans le jeu phare d’Electronic Arts dès 2009, permet de simuler la gestion de son équipe en temps réel et de gagner de l’expérience (EXP) au fil des matchs joués. Toutes les compétitions esportives, professionnelles ou non, sont jouées via ce mode. Plus l’on fait de matchs, plus l’on gagne d’EXP, et plus l’on obtient des récompenses dans un seul but : devenir l’un des meilleurs joueurs. Oui mais voilà, ça, c’est la partie idéalisée. Plusieurs joueurs et youtubeurs témoignent : pour avoir une très bonne équipe, à moins de passer toutes ses journées à jouer, il faut surtout payer (de manière non-virtuelle) des « packs », comme des sortes de pochettes surprises, qui comportent des joueurs plus ou moins performants. Et tout le problème est là : pour pouvoir rivaliser avec les meilleurs, il faut dépenser beaucoup d’argent. Certains plaignants ont même dépensé jusqu’à plusieurs milliers d’euros au total, pour un jeu qu’ils considèrent tous comme « addictif » [3].

Les deux avocats souhaitent donc dénoncer FIFA Ultimate Team comme étant un jeu de hasard, assimilable à une loterie au regard de la loi (et actuellement l’action compte plus d’une quinzaine de plaignants).

Mais quels sont les critères juridiques d’un jeu de hasard ? Quid de la régulation des loot boxes ? Quel est le véritable impact sur l’esport ? 

Revenons d’abord sur la réglementation en vigueur, de la réglementation des jeux d’argent et de hasard au cadre législatif des loot boxes : la théorie.

Le régime des jeux d’argent et de hasard et la reconnaissance d’un faisceau d’indices

Une loi du 21 mai 1836 [4] avait institué un article dans le Code de la Sécurité Intérieure (code encadrant les jeux d’argent et de hasard) disposant que « les loteries de toute espèce sont prohibées ». La définition d’une loterie a été précisée par la suite, élargissant ainsi le périmètre de l’interdiction [5]. Cet élargissement a d’ailleurs posé problème à la pratique compétitive des jeux vidéo qui n’a pas toujours été autorisée.

La loi Hamon du 17 mars 2014 relative à la consommation [6] a effectivement élargi la définition des loteries, en modifiant l’article L. 322-2 du Code de la Sécurité Intérieure (CSI) qui dispose désormais (à l’Article L. 320-1 du CSI) que « sont réputés jeux d’argent et de hasard et interdits comme tels : (…) toutes opérations offertes au public, sous quelque dénomination que ce soit, pour faire naître l’espérance d’un gain qui serait dû, même partiellement, au hasard et pour lesquelles un sacrifice financier est exigé par l’opérateur de la part des participants » et a ajouté un alinéa à la suite de l’article L. 320-1 disposant quant à lui que « cette interdiction recouvre les jeux dont le fonctionnement repose sur le savoir-faire du joueur ».

Ainsi, nous pouvons dès lors distinguer un faisceau d’indices pour reconnaître si une activité fait ou non partie des jeux de hasard et si elle est, de ce fait, interdite :

  • La présence d’une offre publique : critère évalué de manière large car on considère que dès qu’un jeu n’est pas organisé au sein d’un cercle privé et restreint, il est public ;
  • La naissance de l’espérance d’un gain chez le joueur : caractérisée quelle que soit la valeur ou la nature des gains ;
  • Un sacrifice financier de la part du joueur : s’applique même si l’opérateur propose le remboursement d’une avance consentie par le joueur pour participer (en excluant toutefois les frais d’une connexion internet) ;
  • La présence, même infime, du hasard.

Les compétitions de jeux vidéo sont sorties de ce cadre récemment, depuis la Loi pour une République Numérique du 7 octobre 2016, grâce à son article 101. Cependant, en parallèle, un autre cadre juridique est à étudier pour mener une analyse pratique de ce sujet : celui des loot boxes.

Le cadre juridique des loot boxes

Le terme « loot boxes » doit être défini afin de le comprendre et d’appréhender au mieux son régime juridique. Le député Stéphane Trompille, dans une Question au Gouvernement sur les jeux et paris publiée au Journal Officiel du 12 mars 2019, définit la loot box comme étant « une boîte butin virtuelle payante, contenant aléatoirement un ou plusieurs objets virtuels offrant soit des améliorations dans le jeu, soit une personnalisation d’un personnage » [7]. La loot box inciterait donc les joueurs à payer avec de l’argent réel pour obtenir des cadeaux dans le but d’améliorer leur expérience de jeu de manière totalement aléatoire. En réalité, ces « loot boxes » ne sont ni plus ni moins que des micro-transactions : des transactions payantes permettant d’acheter un bien numérique de faible valeur unitaire. Cette faible valeur unitaire incite les joueurs à payer de manière récurrente pour des « skins » ou cosmétiques (habillage ou accessoirisation d’un personnage dans un jeu vidéo pour que ce dernier soit personnalisé), mais aussi, parfois, à payer pour améliorer leur niveau de jeu.

Les loot boxes font donc l’objet de nombreuses controverses, beaucoup de professionnels et joueurs mettant en avant le caractère addictif de ce genre de pratiques. La première affaire du genre a été portée devant les tribunaux en novembre 2017 et concernait le jeu Star Wars Battlefront II, comme évoqué en introduction de cet article. La communauté des joueurs avait intenté une action contre l’éditeur du jeu (Electronic Arts, déjà à l’époque) car selon elle, ces pochettes virtuelles influaient beaucoup trop sur l’expérience de jeu. La communauté de joueurs avait alors démontré que, pour obtenir l’intégralité du contenu, il fallait débourser plus de 2000$ en loot boxes, sachant pertinemment que le contenu de ces pochettes reposait sur le hasard [8].

De nombreux Etats se sont donc interrogés sur cette pratique du « pay-to-win » (d’ailleurs totalement prohibée dans les compétitions de jeux vidéo, mettant en garde sur le côté addictif des loot boxes et donc la nécessité de les réguler). Prenons l’exemple de la Belgique qui, en avril 2018, a considéré que les « loot boxes » entraient dans la catégorie des jeux de hasard et devaient, de ce fait, être interdites [9]. D’autres États à travers le monde ont réglementé strictement cette pratique, c’est le cas notamment au Royaume-Uni où le gouvernement a lancé un appel à témoignages au sujet des micro-transactions dans les jeux dans le but de garantir une meilleure protection des joueurs et en particulier des jeunes [10]. La Chine, quant à elle, a depuis le 1er mai 2017 imposé aux éditeurs intégrant des loot boxes dans leurs jeux de révéler les pourcentages d’obtention des pochettes surprises virtuelles et de les communiquer au public et a interdit l’acquisition de loot boxes par de l’argent réel ou virtuel. Aux États-Unis, l’ESRB (Entertainment Software Rating Board) a créé en 2018 un label « achat intégré » qui doit être clairement apposé sur la boîte du jeu vidéo et un site web pour « présenter aux parents les outils leur permettant de contrôler le temps de jeu et l’argent dépensé » [11].

Mais alors qu’en est-il de la réglementation en France ? La pratique des loot boxes n’est pas encore régulée. En effet, la question se pose de savoir si les loot boxes entreraient sous le régime de l’Article L. 320-1 du Code de la Sécurité Intérieure, article interdisant les jeux d’argent et de hasard reposant cumulativement sur les quatre critères vus précédemment ou si elles devraient plutôt faire l’objet d’une réglementation propre. Dès 2017 cette question se posait déjà. En effet, le sénateur Jérôme Durain avait interpellé le gouvernement sur la nécessité d’un encadrement, l'ex ARJEL (Autorité de Régulation des Jeux en Ligne nouvellement Autorité Nationale des Jeux) avait répondu qu’elle identifiait trois dérives possibles [12] :

  • Le fait d’avoir des transactions quasi obligatoires dans le cours du jeu, se rajoutant au prix d’achat initial sans information claire ;
  • Le fait d’avoir un produit totalement aléatoire revenant à un jeu payant de loterie ;
  • Le fait d’avoir une espérance de gain en argent par la revente de butins à d’autres joueurs.

Elle propose ainsi de collaborer avec différents organismes et entités, notamment la DGCCRF (Direction Générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) et diverses associations telles que l’UFC Que Choisir. Hormis ces quelques questions et ces souhaits d’évolution, le cadre juridique des loot boxes est donc encore à préciser. D’ailleurs, la DGCCRF de Lyon vient tout juste d’ouvrir une enquête sur le sujet.

Des précisions à venir compte tenu de l’actualité récente sur le mode Ultimate Team (FUT) de la licence FIFA ? Pourquoi pas. Plus que l’économie des jeux vidéo qui serait modifiée, les compétitions d’esport seraient impactées.

Le mode FUT de FIFA : un jeu de hasard ?

Comme pour Star Wars Battlefront II en son époque, ce n’est pas uniquement l’aléa qui est le point de discorde. Ce système est depuis bien longtemps présent dans les jeux vidéo (c’est le fameux RNG : Random Number Generator que l’on retrouve dans des jeux tels que Diablo, Destiny ou encore Borderlands). Le problème est l’association de l’aléa avec le fait de devoir dépenser de l’argent bien réel dans ces pochettes surprises virtuelles. Pourquoi ? Parce que si l’on reprend les critères cumulatifs des jeux d’argent et de hasard interdits par le Code de la Sécurité Intérieure, on se rend vite compte que ce principe de « loot boxes » peut très vite tomber dans l’illégalité. Reprenons les critères et voyons si le mode FUT de FIFA peut correspondre à la définition du jeu d’argent.

Nous l’avons dit dans la première partie de cet article, pour qu’un jeu soit considéré comme un jeu d’argent et de hasard et soit interdit, il faut qu’il remplisse ces quatre critères de manière cumulative :

  • La présence d’une offre au public ;
  • La naissance de l’espérance d’un gain chez le joueur ;
  • Un sacrifice financier de la part du joueur ;
  • La présence, même infime, du hasard.

En ce qui concerne le mode FIFA Ultimate Team (FUT), ces « packs » semblent remplir tous les critères : l’offre au public est bien présente puisque tous les joueurs achetant le jeu peuvent en ouvrir, les joueurs espèrent tous découvrir dans ces derniers des footballeurs très bien notés dans le jeu ce qui prouve qu’ils espèrent bien un bénéfice, ils sont prêts à payer plusieurs packs pour obtenir une star du jeu ce qui en fait un sacrifice financier parfois conséquent (certains ont estimé avoir perdu jusqu’à 15 000€ [13]) et enfin, il ne s’agit pas d’une présence « infime » de hasard mais bien d’une pochette virtuelle 100% aléatoire puisque les joueurs n’ont aucun indice sur le pack qu’ils sont sur le point d’ouvrir.

De fait, les quatre conditions sont bien présentes pour justifier de l’interdiction de ce type de pratique et c’est bien ce que les avocats français qui ont porté plainte contre l’éditeur du jeu comptent mettre en avant. Ces derniers exposent en effet que le prix d’un pack ne varie jamais et que celui-ci est seulement disponible durant une période limitée, sans qu’il n’y ait aucune promotion et dans lesquels peuvent se trouver des cartes de joueurs très chères, une des caractéristiques de la pratique commerciale trompeuse. Ce qui pourrait également tromper le consommateur réside dans le fait que ces derniers auraient moins d’un pour cent (1%) de chance d’obtenir un joueur jugé comme « performant » dans le jeu. De plus, les avocats mettent en avant le caractère addictif de l’ouverture de ces fameux « packs », avec des animations colorées, festives, qui provoque un effet similaire aux machines à sous sur le cerveau. Les deux avocats pointent enfin un problème d’obsolescence des joueurs dans le jeu mais aussi du jeu en lui-même : la licence étant renouvelée tous les ans sans que les mises à jour ne continuent sur le jeu de l’année passée, les joueurs perdent donc chaque année leur progression, leur faisant perdre tout l’argent investi [14].

Electronic Arts, éditeur de la licence, tente donc de se défendre en avançant deux arguments pouvant contrebalancer la qualification du mode FUT en jeu de hasard :

  • Les packs ne sont pas réellement aléatoires car les caractéristiques essentielles des cartes sont indiquées : la notion d’aléa n’est donc pas remplie selon EA ;
  • Les cartes ne peuvent pas être revendues hors du jeu : il n’y a donc pas d’espérance de gain en euros pour le joueur.

Ces arguments peuvent être cependant facilement contredits. En ce qui concerne les caractéristiques « essentielles » des cartes, bien qu’une indication soit certes donnée sur le nombre d’éléments dans le pack, l’absence d’indice sur la valeur de ce dernier et des éléments qui le constituent fait que l’aléa est toujours présent. Et dans tous les cas, le Code de la Sécurité Intérieure précise bien que la part de hasard peut être « infime », ce qui est le cas ici. En ce qui concerne le fait qu’aucun gain en euros n’est possible, cela ne retire en rien l’espérance de gain chez le joueur puisque la doctrine juridique concernant ce critère explique que cette espérance est entendue au sens large du terme, peu importe que le gain soit en monétaire, en physique ou en virtuel. Du moment qu’un joueur, en achetant un pack, espère améliorer son niveau de jeu, nous pouvons légitimement considérer que ce pack fait naître une espérance chez ce dernier.

La requalification de ce mode de jeu en jeu de hasard représenterait malgré tout une extension de cette notion, remettant en cause de nombreux autres modes de jeux. En effet, tout dépend comment les juges interprètent la notion du gain (dans le cas où aucun accord n’est trouvé entre EA et les plaignants) : suivront-ils la doctrine juridique ou considéreront-ils que, tant qu’il n’y a pas de possibilité de gagner de l’argent en réel, il n’y a pas d’espérance de gain chez le joueur ? Si la première solution est préférée, c’est l’ensemble des jeux payants comprenant un aléa qui pourrait alors être interdit : un vrai raz-de-marée dans l’industrie vidéoludique ! En termes de protection du consommateur, dans tous les cas, il serait bon, si ce n’est d’interdire, de réglementer la pratique.

Attention à ne pas faire d’amalgame : ce n’est pas la licence FIFA qui est visée mais bien uniquement son mode FUT. Là où le bât blesse, c’est que ce mode est celui utilisé lors des compétitions officielles. Par conséquent, la décision des juges, encore une fois s’il n’y a pas d’accord trouvé avec EA, pourrait bien chambouler les programmes.  

L’impact sur les compétitions esport

Lorsque des joueurs amateurs participent à la Ligue Week-End, tournoi permettant chaque semaine de se confronter aux autres joueurs de la communauté, d’obtenir des récompenses et d’accéder aux compétitions officielles ou encore lorsque des joueurs professionnels participent à des compétitions internationales sur la licence, c’est via ce mode de jeu.

Outre le côté addictif et néfaste, si on s’en tient aux compétitions de jeux vidéo, l’achat de ces pochettes virtuelles peut provoquer un avantage dans le jeu pour les joueurs selon certains et créer au sein d’une compétition une inégalité entre les joueurs qui ne serait pas acceptable du point de vue de l’intégrité des compétitions. En effet, rappelons que l’un des critères d’un bon jeu esport est l’équité des chances et l’interdiction de toute pratique de pay-to-win : tous les joueurs doivent avoir les mêmes chances de gagner, quel que soit le montant investi dans le jeu. EA pourrait cependant se défendre en avançant le fait que les joueurs peuvent gagner ces packs gratuitement en jouant beaucoup de matchs, mais là encore le temps investi pour avoir des packs rentables paraît bien supérieur à un temps de jeu raisonnable et la tentation d’investir de l’argent pour obtenir une meilleure équipe et gagner des matchs importants pour accéder aux compétitions officielles plus rapidement est grande. On retrouve donc l’espérance de gain ici.

Avec l’achat de ces packs, l’expérience de jeu se trouve largement modifiée. Or, en compétition, les loot boxes ne devraient concerner que la possibilité d’avoir des skins (des cosmétiques en français, modifiant l’esthétique de l’avatar), ce qui n’est sensiblement pas le cas. Pour preuve : les joueurs professionnels ont à disposition des points FIFA achetés par leurs clubs pour constituer leur meilleure équipe.

Enfin, la plainte déposée à l’encontre de l’éditeur de la licence pourrait bien avoir des conséquences sur les compétitions officielles. En effet, si EA n’améliore pas ce problème de transparence souhaité par les parties prenantes, il se pourrait que les juges interdisent, tout comme en Belgique par exemple, les loot boxes. Dans ce cas, fini les packs pour constituer son équipe, il faudra donc trouver d’autres moyens d’organiser des compétitions pour l’éditeur. Ce serait alors tout le circuit compétitif de FIFA qui serait à repenser et modifier. L’éditeur ayant déjà du mal à structurer son circuit professionnel, un tel chamboulement n’arrangerait pas les choses.

Pourtant, au regard du risque de déséquilibre des compétitions et du caractère addictif reconnu de la pratique, il est légitime de poser la question d’une modification des règles du jeu et de la transparence de ces packs, d’autant plus que la colère monte du côté des joueurs professionnels : fin septembre, alors que le nouvel opus de la licence venait d’être annoncé, Tim Latka jouant sous les couleurs du club Schalke 04 en tant que joueur professionnel FIFA a affirmé qu’il ne dépenserait pas le budget qui lui serait alloué par sa structure pour obtenir des points FIFA (les fameux points permettant d’acheter les packs). Par ses propos, le joueur dénonce clairement le système du pay-to-win du mode FUT [15].

En conclusion : des solutions envisageables ?

Face aux scandales qui se multiplient au sujet de ce mode, il est nécessaire pour EA de réagir. Mais de quoi et de qui peuvent-ils s’inspirer pour rendre ce mode plus transparent ?

Si EA souhaite éviter toute décision des juges, l’éditeur peut s’inspirer de ce qu’a fait Valve il y a maintenant un an pour Counter-Strike : Global Offensive (CS:GO). Sur le FPS désormais, il n’est plus possible d’ouvrir directement les caisses (désignent les loot boxes dans le jeu) totalement au hasard. L’ouverture de ces caisses nécessite d’acheter un scanner à rayons X pour découvrir le contenu de ces dernières avant de les ouvrir et voir ce qui s’y trouve à l’intérieur. Le caractère aléatoire n’a donc plus de raison d’exister. Cependant, pour ouvrir d’autres loot boxes, le joueur doit obligatoirement récupérer le butin de la première, ce qui force malgré tout ce dernier à investir dans les caisses de CS:GO. Pour autant, le critère de transparence est respecté, même si la démarche n’est pas tout à fait honnête.

Autre solution : s’inspirer de ce qu’EA a déjà fait sur Star Wars Battlefront II et ainsi supprimer totalement les micro-transactions dans le jeu, ce qui n’est certainement pas la solution envisagée par l’éditeur puisque les modèles économique et compétitif de la licence seraient totalement remis en question.

Si aucun compromis n’est trouvé entre l’éditeur de FIFA et les plaignants, il se pourrait que les juges rendent une décision sévère. En effet, dès que l’intérêt des consommateurs est en jeu, le droit se montre protecteur face aux firmes internationales. On en viendrait alors très certainement à l’interdiction totale des loot boxes, comme c’est le cas en Belgique. L’impact serait alors considérable pour le secteur de l’esport, déjà peu stabilisé et victime de nombreux préjugés négatifs, mais pour autant justifié par le manque de sécurité pour le consommateur et notamment les mineurs. D’autres moyens de monétisation sont alors à réfléchir pour tenter de faire changer les pratiques vers plus de transparence.

 

Par Emeline Guedes, Mélie Boulesteix et Bertrand Perrin

 



[1] W. Audureau, Derrière la polémique « Star Wars : Battlefront II », la révolution des jeux en tant que service, www.lemonde.fr, 17 novembre 2017 : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2017/11/17/derriere-la-polemique-star-wars-battlefront-ii-la-revolution-des-jeux-en-tant-que-service_5216427_4408996.html
[2] https://www.ea.com/fr-fr/games/fifa/fifa-20/ultimate-team/features
[3] K. Fernandez & T. Lacondemine, « J’ai gâché 15 000 euros en trois ans, j’étais totalement accro » : la grogne monte contre FIFA et son mode FUT », Le Monde, 6 mars 2020
[4] Loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries
[5] NB : Depuis l’ordonnance n°2019-1015 du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d’argent et de hasard, on ne parle plus de « loteries » mais de « jeux d’argent et de hasard ».
[6] Loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation
[7] Assemblée Nationale, Question n°14570 du député Stéphane Trompille du 27 novembre 2018 sur les Jeux et paris, publié au JO du 12 mars 2019, p. 2393.
[8] C. Bec-Lucat, Les « loot boxes », un phénomène controversé, www.master-ip-it-leblog.fr, 29 décembre 2017 : http://master-ip-it-leblog.fr/les-loot-boxes-un-phenomene-controverse/ 
[9] Anagund, Billet : Loot boxes, le monde doit prendre exemple sur la Belgique, et vite !, www.jeuxvideo.com, 11 mars 2019 : https://www.jeuxvideo.com/news/1013133/billet-loot-boxes-le-monde-doit-prendre-exemple-sur-la-belgique-et-vite.htm
[10] Department for Digital, Culture, Media & Sport and C. Dinenage MP, The Government has launched a call for evidence on the impact of loot boxes in video games, to examine concerns they may encourage or lead to problem gambling, 23 september 2020 : https://www.gov.uk/government/news/government-launches-call-for-evidence-on-video-game-loot-boxes
[11] M. Soulez, Etat des lieux de la réglementation des loot boxes dans les jeux vidéo, publié le 17 avril 2018, mis à jour le 17 juillet 2020, www.alain-bensoussan.com : https://www.alain-bensoussan.com/avocats/la-reglementation-des-loot-boxes-dans-les-jeux-video/2018/04/17/
[12] ARJEL, le 20 novembre 2017 : http://www.arjel.fr/IMG/pdf/20171120courrier.pdf
[13] K. Fernandez & T. Lacondemine, « J’ai gâché 15 000 euros en trois ans, j’étais totalement accro » : la grogne monte contre FIFA et son mode FUT », op. cit.
[14] L. Quinson, « Les deux avocats ayant déposé plainte contre le mode FUT ont expliqué les raisons de leur démarche », www.dexerto.fr, 12 février 2020 : https://www.dexerto.fr/fifa/les-deux-avocats-ayant-depose-plainte-contre-le-mode-fut-ont-explique-les-raisons-de-leur-demarche-1248996
[15]A. Dulac, « FIFA 21 : Le jeu n’est pas encore sorti mais un joueur pro dit non aux microtransactions », www.gameblog.fr, 28 septembre 2020 : http://www.gameblog.fr/news/92957-fifa-21-le-jeu-n-est-pas-encore-sorti-mais-un-joueur-pro-dit