Diversification des acteurs vers le Divertissement : le study-case Riot Games
Inspirée de l’univers de League of Legends, le fan du jeu retrouve dans la série des personnages bien connus ainsi que leurs histoires. Disponible sur Netflix depuis novembre 2021, Arcane ne cesse de faire parler d’elle tant la qualité audiovisuelle et le synopsis impressionnent. Créée par un studio français, Fortiche, la série s’offre une belle visibilité, ce qui n’est pas sans déplaire au studio français qui change littéralement de dimension tant le succès de cette série est important.
En effet, dès ses débuts, les fans du jeu vidéo comme les passionnés d’animés soulignent la qualité de la direction artistique et du scénario, et cela se ressent dans le nombre de visionnages de la série. A peine sortie, cette dernière battait déjà la série The Squid Game sortie peu avant, et titillait les chiffres de Breaking Bad et Game of Thrones. Grâce à cette série, le studio de jeu vidéo Riot Games entre dans une toute nouvelle dimension et change sa stratégie : jusqu’alors fixée sur l’organisation et l’amélioration du circuit compétitif de son jeu League of Legends, Riot Games tend vers une nouvelle politique afin d’attirer un public plus large et de retenir ses fans de la première heure. En effet, outre un circuit compétitif d’une très grande qualité, d’un mercato toujours plus sensationnel, l’éditeur du jeu a voulu se diversifier et cela a commencé dès l’annonce de nouveaux jeux durant l’année 2020. Avec la sortie de Valorant notamment, l’éditeur prenait déjà un nouveau tournant, celui de la multiplication et de la diversification de ses jeux compétitifs.
Cependant de plus en plus, la stratégie multi-jeux ne suffit pas, parfois, à attirer un nouveau public, ou même à retenir les fans d’une licence. Les dirigeants de l’éditeur ont alors anticipé le problème en adoptant une toute autre politique, à savoir la diversification des contenus et le rapprochement avec l’univers du divertissement. Dès avril 2021 donc, la filiale “Divertissement” de Riot Games, Riot Entertainment, lançait une vaste campagne de recrutement pour “étoffer l’univers de League of Legends au travers d’animations, de films ou de séries”, via un univers cinématographique dédié au jeu League of Legends. En septembre de la même année, nous apprenions d'ailleurs que le studio de développement avait recruté l'ancien patron de Netflix au poste de directeur du contenu : une avancée sans précédent dans l’univers de l’esport, faisant le lien entre esport et culture.
L’esport est en effet à la croisée des chemins entre le sport et la culture, et l’une des caractéristiques principales de ce secteur est d’avoir une force de divertissement très importante, comme nous pouvons le voir assez aisément avec l’engagement des fans d’une licence ou d’une équipe. Ainsi, penser sa stratégie de développement en se tournant vers de nouveaux contenus pour retenir ses fans, les tenir en haleine et leur donner toujours plus de nouveautés et de contenus originaux ne fera qu’engager encore plus les communautés autour du jeu, et Riot Games l’a bien compris. En effet, la stratégie de l’éditeur est bien pensée sur le sujet : événement organisé autour de la série avant sa sortie, sur un mois et dans plusieurs pays pour créer un engouement certain autour de cette dernière ; teasing de la saison 2 dès la fin de la 1ère saison sur les réseaux de l’éditeur ; annonces de futurs films prévus dès la diffusion des trois premiers épisodes et sortie de nouveaux jeux développés par l’éditeur à l’univers de League of Legends... La stratégie de contenus est bien pensée pour attirer un public très diversifié tout en retenant les fans du jeu avec de nouveaux contenus : en effet, les deux jeux sortis au moment de la sortie d’Arcane, Hextech Mayhem et Ruined King : A League of Legends story n’ont pas forcément été créés pour l’univers compétitif, une grande première pour le studio qui, jusqu’ici, développait des jeux compétitifs uniquement, à l’exemple de Valorant et de la version mobile de League of Legends : Wild Rift.
Outre cette politique de diversification des contenus, Riot Games a également décidé de diversifier ses partenariats, toujours dans l’optique de rendre plus accessible ses jeux et son univers, et là encore l’éditeur n’opte pas pour une stratégie basée sur la compétition et l’esport en tant que tel, mais bien sur le divertissement et le loisir. Ce dernier a notamment annoncé une collaboration avec le jeu Among Us.
Cette diversification des contenus passe également par une nouvelle logique de partenariat plutôt que de concurrence : après un premier pas réalisé avec l’arrivée du skin de Jinx dans l’univers de Fortnite, Riot Games a conclu deux partenariats avec des éditeurs : Epic Games, en annonçant que tous ses jeux seraient disponibles sur l’Epic Games Store et Krafton, l’éditeur du jeu Battlegrounds Mobile India, pour apporter la magie de l’univers de League of Legends au jeu mobile sorti en 2021.
Cette stratégie de diversification vers le divertissement change donc également les paradigmes entre les éditeurs : là où ces derniers étaient jusqu’ici dans une logique de concurrence, les univers se croisent pour des partenariats toujours plus enthousiasmants, changeant peut-être à l'avenir la logique de l’esport.
Ce virage vers le divertissement a également une influence certaine sur le jeu League of Legends en lui-même. En effet, la méta (comprenez l’ensemble des stratégies et des méthodes qui ne sont pas explicitement prescrites par des règles mais qui résultent de l’expérience des joueurs) du jeu a quelque peu changé pour la présaison 2022 puisque le taux d’utilisation des personnages de la série a fortement augmenté, dès la sortie du premier épisode, début novembre, changeant ainsi indirectement la manière de jouer des joueurs et donc les stratégies de ces derniers.
Nul doute donc, la stratégie du divertissement pour les éditeurs de jeux d’esport et de manière générale pour tout le secteur pourrait changer certains paradigmes et diversifier également les revenus, un argument non-négligeable pour les professionnels du secteur. Outre cette diversification des revenus nécessaire, se tourner vers le divertissement permettra la démocratisation du secteur et d’acquérir de nouveaux publics : l’avenir de l’esport se joue peut-être dans l’Entertainment !