Transferts de joueurs et accords de non-concurrence entre équipes : où sont les limites ?

Les contrats de joueurs sont difficilement accessibles à d’autres professionnels que les joueurs, les équipes et leurs conseils. Il n’est donc pas aisé à l’heure actuelle de comparer les contrats de joueurs français avec des contrats d’autres joueurs internationaux par exemple. Toutefois, de plus en plus, certains joueurs font fuiter dans les médias des informations concernant certains abus des équipes, sans doute dans la volonté de faire évoluer le secteur et de l’encadrer au mieux.

De manière fréquente donc, des extraits de contrats fuitent dans la presse, en ce qui concerne notamment les clauses de buy-out, les clauses de fin de contrat ou encore par exemple les clauses de non-concurrence. Alors que beaucoup de clauses de non-concurrence semblent parfois abusives dans certains contrats (et notamment en France en ce qui concerne les contrats des joueurs sous le régime des micro-entrepreneurs), c’est une toute autre clause qui est mise en lumière dans l’affaire Perkz ici puisqu’en effet, il ne s’agit pas de la clause de non-concurrence présente dans le contrat du joueur mais bien d’une clause présente dans l’accord de rachat entre G2 Esports, ancienne équipe de Perkz et Cloud9, équipe dans laquelle ce dernier a évolué au courant de l’année 2021, interdisant à cette dernière équipe la vente du joueur à l’équipe rivale de G2 Esports : Fnatic. Cette clause a d’ailleurs été validée par Riot Games, éditeur du jeu et régulateur des compétitions puisqu’à l’époque, selon l’éditeur, « elle n’empêchait pas le transfert du joueur ».

Cette clause d’interdiction de rachat présente dans le contrat conclu entre les deux équipes s’échangeant ce dernier pose certaines questions quant au caractère abusif de la clause, cette dernière limitant les transactions entre les équipes et, qui plus est, empêchant le joueur, alors libéré de son contrat, d’évoluer dans une équipe souhaitant le recruter. En effet, Perkz souhaitait retourner en Europe après un an passé dans l’équipe américaine. S’étant vu proposer une offre, les négociations se sont vite arrêtées avec Cloud9, la structure américaine portant à la connaissance de l’équipe européenne cette clause, pour une durée de 3 ans.

Cependant, cette clause flirte dangereusement avec les limites de la légalité, empêchant ainsi une concurrence pure et parfaite entre les différentes équipes évoluant en LEC.

Tout d’abord et c’est le plus important pour commencer : il ne s’agit pas ici d’une clause de non-concurrence, la clause de non-concurrence étant insérée normalement dans le contrat de travail, donc dans le contrat passé entre l’équipe et le joueur. Mais alors est-elle légale ? Dans un premier temps, certaines similitudes avec la clause de non-concurrence peuvent être soulevées : la clause d’interdiction de rachat intervient dans le but de protéger les intérêts de l’entreprise, elle n’empêche pas le joueur de trouver une autre équipe puisqu’en l’occurrence il ne s’agit pas d’une interdiction générale de rachat puisque l’interdiction ne concerne que Fnatic et elle est limitée dans le temps (3 ans). Toutefois, certaines questions restent floues : la clause est-elle délimitée dans ses activités ? Y a-t-il une contrepartie financière ? En effet, même s’il est important de bien soulever qu’il ne s’agit pas d’une clause de non-concurrence, certaines bases pour juger du caractère abusif ou non peuvent être appliquées à l’espèce.

Au regard des informations dont nous disposons à l’heure actuelle, cette clause d’interdiction de rachat ne semble pas abusive en l’état : elle est en effet limitée dans le temps (pour une durée de 3 ans, ce qui semble être un délai raisonnable), limitée « dans l’espace » si l’on considère que seule l’équipe Fnatic ne peut pas recruter le joueur jusqu’en 2023. Pour ce qui est de la contrepartie financière, il apparaît difficile de juger puisque seule la clause entre les deux équipes a été visée. Il faudra alors observer le contrat du joueur en tant que tel pour prouver le caractère abusif.

Toutefois, la question de « l’équité esportive » se pose et il apparaît qu’en l’espèce, ce genre de clauses pourrait freiner le développement du secteur. Ainsi, il pourrait être intéressant d’observer les règles de transferts des joueurs dans le milieu du sport professionnel. L’une des premières conditions d’un transfert entre les clubs d’un joueur, c’est l’accord entre le joueur et le club.

Au regard des nombreuses controverses sur le sujet et de la colère des équipes, Riot Games a communiqué sur sa volonté de faire évoluer les choses afin que cela ne se reproduise plus. En effet, même si ce type de clauses est légal, il n’est pas souhaitable que ces dernières se multiplient dans les contrats entre structures afin de garantir l’équité esportive et une concurrence pure et parfaite en termes de transferts de joueurs.